[Histoire – 1764 – 1767 – France] La Bête du Gévaudan
Toujours un article de wikipedia et quelques autres liens 🙂
La Bête du Gévaudan (la Bèstia de Gavaudan en occitan) est un animal à l’origine d’une série d’attaques contre des humains survenues entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767.
Ces attaques, le plus souvent mortelles, entre 88 et 124 recensées selon les sources, eurent lieu surtout dans le nord de l’ancien pays du Gévaudan (qui correspond globalement au département de la Lozère), région d’élevage.
Quelques cas ont été signalés dans le sud de l’Auvergne, le nord du Vivarais, le Rouergue et le sud du Velay.
La Bête du Gévaudan dépassa rapidement le stade du fait divers, au point de mobiliser de nombreuses troupes royales et de donner naissance à toutes sortes de rumeurs et croyances, tant sur sa nature — perçue tour à tour par les contemporains comme un loup, un animal exotique, un « sorcier » capable de charmer les balles, voire même un loup-garou ou un tueur en série à une époque plus récente — que sur les raisons qui la poussaient à s’attaquer aux populations — du châtiment divin à la théorie de l’animal dressé pour tuer.
Alors qu’une centaine d’attaques équivalentes se sont produites au cours de l’histoire de France, peuplée par environ 20 000 loups à cette époque, ce drame intervient opportunément pour la presse en mal de ventes après la guerre de Sept Ans : le Courrier d’Avignon puis La Gazette de France et les gazettes internationales s’emparent de cette affaire pour en rédiger un feuilleton, publiant des centaines d’articles sur le sujet en quelques mois.
Parmi les nombreux animaux abattus au cours de cette période, deux canidés sont soupçonnés d’être la Bête.
Le premier est un grand loup tué par François Antoine, porte-arquebuse du roi de France, sur le domaine de l’abbaye royale des Chazes en septembre 1765.
Une fois ce loup empaillé à Versailles, les journaux et la Cour se désintéressèrent de cette affaire, bien que d’autres morts aient été déplorées ultérieurement.
En juin 1767, Jean Chastel, paysan originaire de La Besseyre-Saint-Mary, tua le second animal, identifié comme un loup ou un canidé ressemblant partiellement à un loup. Selon la tradition, l’animal tué par Chastel était bien la Bête du Gévaudan car, passé cette date, plus aucune attaque mortelle ne fut signalée dans la province.
L’identité biologique du ou des canidé(s) responsable(s) des attaques fait toujours l’objet de débats, avivés par la polémique liée à la réapparition du loup gris en France et par les controverses sur la dangerosité de Canis lupus.
Puisant leur inspiration dans un essai du gynécologue Paul Puech (1910) ainsi que dans les romans de l’angliciste Abel Chevalley (1936) et du folkloriste Henri Pourrat (1946), plusieurs ouvrages et articles rédigés par des défenseurs du loup évoquent l’œuvre d’un tueur en série éventuellement figuré en dresseur de fauves et parfois identifié au comte de Morangiès ou à un fils de Jean Chastel prénommé Antoine.
Or, aucun document ne corrobore cette hypothèse d’une implication humaine, essentiellement influencée par le genre romanesque.
Les premières attaques
Avant le Gévaudan ?
En 1763, une série d’attaques est recensée du côté du Dauphiné.
On parle d’un animal « de la taille d’un très gros loup, couleur de café brûlé un peu clair, ayant une barre un peu noire sur le dos, le ventre d’un blanc sale, la tête fort grosse, une espèce de bourre qui forme une houppe sur la tête et à côté des oreilles, la queue couverte de poil comme celle d’un loup ordinaire mais plus longue et la portant retroussée au bout ».
Vers la fin du mois d’octobre, la bête traverse un troupeau de moutons pour se jeter sur un petit berger âgé de quatorze ans qui est délivré par sa camarade.
Les attaques et la description de l’animal présentant de nombreux points communs avec la Bête du Gévaudan, certains auteurs tel Jean-Claude Bourret avancent l’hypothèse qu’il s’agit du même animal.
Les premiers cas au Gévaudan
Au début de l’été 1764, en juin, une vachère habitant tout près de Langogne rentre au village en affirmant avoir été attaquée par une « bête ».
Elle s’en tire sans autre mal que des habits déchirés après avoir été défendue par ses bœufs.
Le 30 du même mois, Jeanne Boulet, âgée de quatorze ans, est tuée au village des Hubacs (près de Langogne) dans la paroisse de Saint-Étienne-de-Lugdarès en Vivarais. C’est la première victime officielle de la Bête.
La victime est enterrée « sans sacrements », n’ayant pu se confesser avant sa mort.
On relève toutefois sur la consignation de sa mort que le curé de la paroisse mentionne qu’elle fut victime de « la bette féroce », ce qui suggère qu’elle n’est pas la première victime mais seulement la première déclarée.
En outre, on observe que l’acte est inséré entre deux autres datant respectivement des 13 juin et 18 septembre, comme s’il avait été initialement omis.
Mais l’ordre chronologique semble déficient : l’acte qui suit celui du 18 septembre date du 7 du même mois – à moins d’une erreur de transcription pour octobre car l’acte immédiatement postérieur est du 17 octobre.
Mais dans tous les cas, ces inexactitudes répétées traduisent un défaut d’attention.
Une deuxième victime est rapportée le 8 août.
Âgée de 14 ans, elle habitait au hameau de Masméjean, paroisse de Puy-Laurent.
Ces deux victimes sont tuées dans la vallée de l’Allier. Les suivantes, dès la fin du mois d’août, et au cours du mois de septembre, meurent autour et dans la forêt de Mercoire.
Étienne Lafont, syndic du diocèse de Mende, se trouve à Marvejols en cette fin du mois d’août.
C’est depuis cet endroit qu’il envoie des chasseurs de Mende, dirigés par le sieur Mercier, afin de venir en aide aux chasses qui se mettaient peu à peu en place à proximité de Langogne.
Cependant, Lafont se rend vite compte que ces chasses sont insuffisantes et avertit donc M. de Saint-Priest, intendant du Languedoc, et M. le comte de Montcan, gouverneur de la province, de la situation.
C’est ce dernier qui donne l’ordre au capitaine Duhamel, stationné à Langogne avec les soldats du régiment de troupes légères de Clermont-Prince, de conduire les opérations de chasse contre la Bête.
Duhamel et le régiment de Clermont Prince
Stationnant dans la région cette année-là, le régiment de troupes légères de Clermont-Prince fournit au capitaine Duhamel les soldats nécessaires à la traque de la bête.
À partir du 15 septembre, Duhamel et ses troupes débutent la chasse et arment les paysans prêts à les aider.
Durant les multiples battues menées en la forêt de Mercoire, jamais la Bête n’est aperçue.
Cependant, c’est sans doute à cause de ces diverses chasses que la Bête quitte rapidement cette zone et atteint les confins de la Margeride et de l’Aubrac en octobre.
En effet, le 7 octobre, une jeune fille est tuée au village d’Apcher, paroisse de Prunières, et sa tête n’aurait été retrouvée que huit jours plus tard.
Le lendemain, un garçon vacher est attaqué à proximité de La Fage-Montivernoux.
Ce même jour, la Bête attaque un autre vacher entre Prinsuéjols et le château de la Baume, propriété du comte de Peyre.
Cependant, le jeune garçon se réfugie parmi ses vaches, qui parviennent à repousser la Bête.
Peu de temps après, des chasseurs qui sortent d’un bois avoisinant aperçoivent la Bête qui rôde encore autour du garçon.
Deux de ces chasseurs tirent et touchent la Bête qui, par deux fois, tombe puis se relève.
Personne n’arrive cependant à la rattraper alors qu’elle s’enfuit dans un bois. La battue qui est organisée le lendemain se solde par un échec.
Deux paysans affirment avoir vu l’animal sortir, en boitant, durant la nuit.
Ainsi, et pour la première fois, la Bête a été blessée.
C’est pendant ce mois d’octobre 1764 que la Bête perpétra ses attaques les plus méridionales, notamment celle qui coûte la vie à Marie Solinhac, attaquée au Brouilhet, sur la commune des Hermaux.
Le 2 novembre, le capitaine Duhamel et ses hommes quittent Langogne pour s’installer à Saint-Chély, chez l’aubergiste Grassal.
Ce n’est pourtant que le 11 novembre qu’ils peuvent effectuer leur première chasse, en raison d’importantes chutes de neige.
Voyant le manque de résultat des chasses jusqu’à présent, les États de Languedoc se réunissent le 15 décembre, et promettent une prime de 2 000 livres à qui tuerait la Bête.
Cinq nouvelles personnes meurent pourtant après une attaque attribuée à la Bête durant ce mois de décembre.
Le « mandement de l’évêque de Mende »
Le 31 décembre 1764, l’évêque de Mende Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré, également comte de Gévaudan, lance un appel aux prières et à la pénitence.
Cet appel est resté dans l’Histoire sous le nom de « mandement de l’évêque de Mende ».
Tous les prêtres du diocèse doivent l’énoncer à leurs fidèles.
Dans ce texte, l’évêque qualifie la Bête de fléau envoyé par Dieu pour punir les hommes de leurs péchés.
Il cite saint Augustin en évoquant la « justice de Dieu », ainsi que la Bible et les menaces divines proférées par Moïse : « j’armerai contre eux les dents des bêtes farouches ».
À l’issue de ce mandement, des prières de quarante heures doivent être récitées durant trois dimanches consécutifs.
Mais les supplications restent vaines et la Bête continue son massacre.
En janvier et février 1765, les chasses du régiment de troupes légères de Clermont-Prince conduit par Duhamel s’avèrent infructueuses.
Par ailleurs, les habitants se plaignent des soldats, accusés de ne payer ni logement ni nourriture et, en outre, de détruire les récoltes.
Jacques Portefaix
Le 12 janvier, la Bête s’attaque à sept enfants du Villaret, paroisse de Chanaleilles (Haute-Loire).
Le combat qui l’a opposée aux jeunes bergers et le courage dont ces derniers ont fait preuve sont restés dans les annales.
Depuis l’apparition de la Bête, il est recommandé de ne pas envoyer seuls les enfants garder le bétail et les troupeaux sont souvent groupés.
C’est le cas des sept enfants du Villaret, cinq garçons et deux filles âgés de huit à douze ans.
La Bête attaque en tournant autour des enfants regroupés pour se défendre.
Elle dévore la joue d’un des plus jeunes garçons puis revient ensuite à la charge, saisissant dans sa gueule le bras de Joseph Panafieu et emportant l’enfant avec elle.
Un des enfants suggère de prendre la fuite pendant que l’animal est occupé, mais le jeune Jacques André Portefaix les incite à secourir leur compagnon.
Ralentie par la nature du terrain, la Bête est rejointe par les enfants qui tentent de l’atteindre aux yeux à l’aide de lames fixées sur leurs bâtons.
Portefaix et ses amis parviennent à lui faire lâcher prise et à le tenir à distance.
À l’arrivée d’un ou plusieurs hommes alertés par les cris, la Bête s’enfuit dans un bois voisin.
Monsieur de Saint-Priest informe monsieur de l’Averdy de cet affrontement.
Pour le récompenser de son courage, le roi offrit de payer l’éducation de Jacques Portefaix.
Le jeune garçon est né le 8 novembre 1752 à Chanaleilles.
Le 16 avril 1765, il est admis chez les Frères de la Doctrine Chrétienne ou Frères Ignorantins, de Montpellier.
Il y reste jusqu’en novembre 1770, date où il entre à l’école du Corps Royal d’artillerie. Il devient ensuite lieutenant, sous le nom de Jacques Villaret.
Il meurt âgé de « 33 ans ou environ », le 14 août 1785 à Franconville.
Les d’Enneval – Jeanne Jouve
Le conseiller du roi Louis XV, Clément Charles François de L’Averdy, envoie sur place un chasseur normand, le grand louvetier Jean Charles Marc Antoine (dit parfois « Martin ») Vaumesle d’Enneval (ou d’Esneval).
Réputé meilleur chasseur de loups du royaume, il en aurait abattu plus de 1 200.
Le 17 février 1765, d’Enneval arrive à Clermont-Ferrand accompagné de son fils.
Ils sont présentés à l’intendant d’Auvergne, Monsieur de Ballainvilliers.
Le lendemain, ils sont à La Chapelle-Laurent et, le surlendemain, à Saint-Flour. Au début du mois de mars ils prennent place en Gévaudan.
Ce mois de mars est le témoin du combat héroïque de Jeanne Jouve pour sauver ses enfants.
Le 14 mars vers midi, Jeanne Marlet, femme de Pierre Jouve, domiciliée au mas de la Vessière, sur la paroisse de Saint-Alban, se tient devant sa maison avec trois de ses enfants.
Alertée par un bruit, elle s’aperçoit que sa fille de 9 ans vient d’être saisie par la Bête, surgie par-dessus la muraille.
La fille Jouve tenait le plus jeune des garçons, âgé de 14 mois environ.
Jeanne Jouve se jette sur la Bête et parvient à lui faire lâcher prise.
La Bête revient à la charge sur le plus jeune des enfants.
Elle ne peut l’atteindre car sa mère le protège.
La Bête se jette alors sur l’autre garçon, Jean-Pierre, âgé de 6 ans.
Elle le saisit par le bras et l’emporte.
Jeanne Jouve se jette à nouveau sur la Bête.
S’ensuit un long combat où Jeanne est jetée au sol, griffée et mordue à plusieurs reprises.
La Bête, qui tient toujours Jean-Pierre, parvient à s’échapper.
Elle se trouve face aux deux aînés Jouve, qui partaient mener paître le troupeau.
Ils parviennent à libérer leur frère cadet et mettent la Bête en fuite.
Hélas, Jean-Pierre succombera à ses blessures cinq jours plus tard. E
n récompense de son acte héroïque, Jeanne Jouve recevra du roi une gratification de 300 livres.
Dès leur arrivée en Gévaudan, les d’Enneval revendiquent l’exclusivité des chasses.
Ils doivent donc obtenir le renvoi du capitaine Duhamel.
Ils font intervenir Monsieur de l’Averdy.
Le 8 avril, Duhamel et ses hommes doivent quitter le pays pour leur nouvelle affectation de Pont-Saint-Esprit.
Cependant, les d’Enneval tardent à lancer de grandes chasses, dont la première n’intervient que le 21 avril.
Son but semble de rabattre la Bête vers Prunières et les bois appartenant au comte de Morangiès.
Mais la Bête parvient à s’échapper sans que les chasseurs aient pu tirer.
En ce mois d’avril 1765, l’histoire de la Bête se répand dans toute l’Europe.
Le Courrier d’Avignon relate ainsi que des journalistes anglais tournent en dérision le fait que l’on ne puisse abattre un simple animal.
Pendant ce temps, l’évêque et les intendants doivent faire face à un afflux massif de courrier.
Des personnes de toute la France proposent des méthodes plus ou moins farfelues pour venir à bout de la Bête.
La Cour reçoit également des représentations de la Bête, qui sont diffusées dans le Gévaudan afin que « chacun [soit] moins épouvanté à son approche et moins sujet à se méprendre » et pour que l’on puisse exercer les meutes de chiens de chasse à pourchasser la Bête grâce à une effigie « exécutée en carton ».
Le 1er mai, la Bête se trouve à proximité du bois de la Rechauve, entre Le Malzieu et Saint-Alban.
À 6 h et demie du soir, alors qu’elle s’apprête à attaquer un jeune berger d’environ 15 ans, un homme, l’un des frères Marlet du hameau de La Chaumette, situé au sud-est de Saint-Alban, l’aperçoit depuis la fenêtre de sa maison, située à 200 mètres de là environ.
Il prévient alors ses deux frères et tous s’empressent de s’armer et de sortir de la maison.
La Bête aurait reçu deux coups de fusil, serait tombée à chaque fois avant de pouvoir se relever.
Elle parvient à s’échapper bien que blessée au cou.
Le lendemain, d’Enneval, prévenu entre-temps, se rend sur place et poursuit la trace accompagné d’une vingtaine d’hommes.
Tous espèrent que la Bête a été blessée à mort.
L’annonce qu’une femme a été tuée dans l’après-midi, sur la paroisse de Venteuges, les détrompe finalement.
Le lendemain de cette chasse, le marquis Pierre-Charles de Morangiès écrit au syndic Étienne Lafont pour se plaindre des d’Enneval : « MM. d’Enneval arrivèrent et donnèrent comme à l’ordinaire de jactance de l’inutilité la plus désolante. […] vous qui êtes homme politique êtes obligé de dévoiler aux yeux des puissances l’effronterie de ces normands qui n’ont d’humains que la figure. ».
Le 18 mai, Morangiès adresse une nouvelle lettre de plainte auprès de Lafont, alors que les chasses des d’Enneval sont toujours infructueuses.
Le 8 juin, sur ordre du roi, François Antoine, porte-arquebuse de sa majesté, quitte Paris pour le Gévaudan.
Il est accompagné de son plus jeune fils, Robert François Antoine de Beauterne, mais également de huit capitaines de la garde royale, six garde-chasses, un domestique, et deux valets de limiers.
François Antoine – Marie-Jeanne Vallet
C’est le 20 juin que l’écuyer François Antoine, souvent nommé « Monsieur Antoine », arrive à Saint-Flour.
Investi du pouvoir du roi, il ne peut pas échouer dans sa mission.
Il s’installe au Malzieu, qu’il atteint le 22 juin.
Antoine et ses hommes se joignent alors à d’Enneval lors de différentes chasses.
Cependant, les d’Enneval quittent le pays le 28 juillet sur ordre du roi.
Pour Antoine, la Bête n’est rien d’autre qu’un loup.
C’est ce qu’il affirme dans l’une de ses nombreuses correspondances : les traces relevées n’offrent « aucune différence avec le pied d’un grand loup ».
Le porte-arquebuse ne parvient cependant pas immédiatement à débusquer l’animal.
Mis à mal par la géographie du pays, il demande de nouveaux chiens en renfort.
Il reçoit également le secours du comte de Tournon, gentilhomme d’Auvergne.
Le dimanche 11 août, il organise une grande battue. Pourtant, cette date est marquée par l’exploit de « la Pucelle du Gévaudan ».
Marie-Jeanne Vallet, âgée d’environ 20 ans, était la servante du curé de Paulhac.
Alors qu’elle emprunte, en compagnie d’autres paysannes, une passerelle pour franchir un petit cours d’eau, elles sont attaquées par la Bête.
Les filles font quelques pas de recul, mais la Bête se jette sur Marie-Jeanne.
Cette dernière arrive alors à lui planter sa lance dans le poitrail.
La Bête se laisse alors tomber dans la rivière et disparaît dans le bois.
L’histoire parvient rapidement à Antoine, qui se rend alors sur les lieux pour constater que la lance est effectivement couverte de sang, et que les traces retrouvées sont similaires à celle de la Bête.
C’est dans une lettre au ministre qu’il surnomme Marie-Jeanne Vallet la « pucelle du Gévaudan ».
L’emprisonnement des Chastel
Quelques jours plus tard, le 16 août, se produit un événement qui aurait pu rester dans l’anonymat s’il n’avait pas été lié à la famille Chastel, dont le père est reconnu comme le tueur de la Bête.
Ce jour, une chasse générale est organisée dans le bois de Montchauvet. Jean Chastel et ses deux fils, Pierre et Jean-Antoine, y participent.
Deux des garde-chasse de François Antoine, Pélissier et Lachenay, passent à leur côté et demandent leur avis sur le terrain avant de s’engager, à cheval, dans un couloir herbeux entre deux bois.
Ils veulent en effet s’assurer qu’il ne s’agit pas là de marécages.
Les Chastel les assurant de la sûreté du sol, Pélissier s’engage alors sans crainte, avant que son cheval ne s’embourbe et qu’il soit désarçonné.
C’est non sans mal qu’il parvient, avec l’aide de Lachenay, à sortir du marécage, pendant que les Chastel s’amusent de la situation.
Trempé, Pélissier empoigne le plus jeune des fils et le menace de le conduire en prison pour cet outrage.
Le père et l’aîné le couchent aussitôt en joue avec leurs armes.
Lachenay se jette sur Jean Chastel et détourne son fusil.
Les gardes battent en retraite et s’en vont faire leur rapport à leur commandant.
Sur la base du procès-verbal qu’ils rédigent, François Antoine fait incarcérer les Chastel en la prison de Saugues.
« J’ai l’honneur d’informer […] du détail et de la hardiesse de ces mauvaises gens d’avoir osé coucher en joue nos dits gardes à brûle-pourpoint. Il est fort heureux qu’ils ne les aient pas tués et ce qu’ils auraient bien mérité en pareille occasion. ».
La consigne suivante est donné aux juges et consuls de la ville : « Ne les laissez sortir que quatre jours après notre départ de cette province ! ».
Le loup des Chazes
Vers le 20 septembre, François Antoine est averti qu’un loup de bonne taille, peut-être la Bête, rôde près du bois des dames de l’abbaye des Chazes, près de Saint-Julien-des-Chazes.
Même si, jusqu’alors, la Bête ne s’était jamais rendue de ce côté de l’Allier, Antoine décide de s’y porter et y fait cerner le bois de Pommier par quarante tireurs venus de Langeac.
C’est lui, François Antoine, qui débusque l’animal à cinquante pas de lui.
Il tire, la bête tombe, se relève, et se jette sur lui.
Le garde Rinchard, qui se trouve à proximité, tire à son tour et abat l’animal.
Selon le procès-verbal dressé par François Antoine, cet animal est un gros loup d’un poids de 130 livres.
Ils le transportent alors à Saugues où il est disséqué par le sieur Boulanger, chirurgien de la ville.
Selon ce même procès-verbal, plusieurs témoins confirment qu’il s’agit bien là de la Bête qui les a attaqués.
Parmi les témoins cités se trouvent Marie-Jeanne Vallet et sa sœur.
Presque immédiatement après la rédaction du procès-verbal, Antoine de Beauterne, le fils, charge l’animal sur son cheval et prend la route vers Paris.
À Saint-Flour, il le montre à M. de Montluc, puis arrive à Clermont-Ferrand où il le fait naturaliser.
Le 27 septembre, Antoine de Beauterne quitte Clermont avec l’animal et arrive à Versailles le 1er octobre.
La bête est alors exposée dans les jardins du Roi à Versailles.
Pendant ce temps, François Antoine et ses garde-chasses sont restés en Auvergne et continuent de chasser dans les bois proches de l’abbaye royale des Chazes, où une louve et ses petits ont été signalés.
Le dernier de ces louveteaux est abattu le 19 octobre.
François Antoine et ses assistants quittent le pays le 3 novembre.
Officiellement, la Bête du Gévaudan a été tuée par le porte-arquebuse du Roi, François Antoine ; et peu importe les événements qui ont suivi, le loup des Chazes était bien la Bête.
Ce caractère officiel a d’ailleurs été confirmé en 1770 lorsque François Antoine s’est vu accorder, par brevet, le droit de porter un loup mourant, symbolisant la Bête, dans ses armes.
Les nouvelles attaques
Le mois de novembre se déroule sans qu’aucune attaque soit relevée.
Le peuple commence à considérer qu’Antoine a bien tué le monstre qui terrorisait le pays.
Dans une lettre du 26 novembre, Lafont indique d’ailleurs à l’intendant du Languedoc : « On n’entend plus parler de rien qui ait rapport à la Bête ».
Rapidement pourtant, la rumeur commence à relater des attaques qu’aurait commises la Bête vers Saugues et Lorcières.
Ces attaques sont épisodiques jusqu’au début de l’année 1766, et le peuple comme Lafont ne savent s’ils doivent attribuer ces méfaits à la Bête ou à des loups.
Cependant, le 1er janvier, M. de Montluc, dans une lettre à l’intendant d’Auvergne, semble persuadé que la Bête a bien reparu.
Ce dernier alerte le roi, mais celui-ci ne veut plus entendre parler de cette Bête puisque son porte-arquebuse en est venu à bout.
À partir de cet instant, les journaux n’ont d’ailleurs plus relaté les attaques survenues en Gévaudan ou dans le sud de l’Auvergne.
Le 24 mars, les États particuliers du Gévaudan se tiennent en la ville de Marvejols. Étienne Lafont et le jeune marquis d’Apcher préconisent d’empoisonner des cadavres de chiens et de les porter aux passages habituels de la Bête.
Les attaques se sont d’ailleurs multipliées durant ce mois de mars, et les gentilshommes du pays se sont aperçus que leur salut ne viendrait pas de la cour du roi.
La Bête, elle, semble ne plus parcourir autant de terrain qu’auparavant.
Elle s’est, en effet, fixée dans la région des trois monts : mont Mouchet, mont Grand et mont Chauvet.
Ces trois sommets sont distants d’environ 15 kilomètres l’un de l’autre.
Les mesures prises s’avèrent inefficaces.
De petites battues sont bien organisées, mais en vain.
La Bête continue ses attaques durant toute cette année 1766.
Il semble cependant que son mode opératoire ait légèrement changé, elle serait moins entreprenante, beaucoup plus prudente.
C’est en tout cas ce qui est écrit dans les diverses correspondances, comme celles du curé de Lorcières, le chanoine Ollier, à destination du syndic Étienne Lafont.
La Bête de Chastel
Au début de l’année 1767, une légère accalmie des attaques se fait sentir.
Mais au printemps, on assiste à une recrudescence des attaques.
Le peuple ne sait plus que faire pour en venir à bout, si ce n’est prier.
Alors les pèlerinages se multiplient, principalement à Notre-Dame-de-Beaulieu et à Notre-Dame-d’Estours.
Le 18 juin, il est rapporté au marquis d’Apcher que, la veille, la Bête avait été vue dans les paroisses de Nozeyrolles et de Desges.
Elle aurait tué, dans cette dernière paroisse, Jeanne Bastide, âgée de 19 ans, au village de Lesbinières.
Le marquis décide de mener une battue dans cette région, sur le mont Mouchet dans le bois de la Ténazeyre, le 19 juin.
Il est accompagné de quelques volontaires voisins, dont Jean Chastel, réputé excellent chasseur.
Chastel a chargé son fusil d’une balle et de cinq chevrotines.
Il abat un animal de grande taille, ressemblant à un loup, au lieu-dit la « Sogne d’Auvers » (Auvers).
« (Jean Chastel) tomba (la Bête) d’un coup de fusil qui le blessa à l’épaule. Elle ne bougea guère et d’ailleurs fut assaillie de suite d’une troupe de bons chiens de chasse de M. d’Apcher. Dès qu’on la vit hors d’état de pouvoir faire des victimes, elle fut chargée sur un cheval et portée au château de Besque, paroisse de Charraix dans le Gévaudan, près des frontières d’Auvergne ».
Dans son ouvrage imprimé en 1889, l’abbé Pierre Pourcher narre la scène ainsi : « Quand la Bête lui arriva, Chastel disait des litanies de la Sainte Vierge, il la reconnut fort bien, mais par un sentiment de piété et de confiance envers la Mère de Dieu, il voulut finir ses prières ; après, il ferme son livre, il plie ses lunettes dans sa poche et prend son fusil et à l’instant tue la Bête, qui l’avait attendu. ».
Toutefois, les archives du xviiie siècle n’évoquent pas de pareilles précisions puisqu’il s’agit d’une tradition orale édifiante rapportée à Pierre Pourcher, à la fin du xixe siècle, par l’une de ses tantes religieuses.
En introduisant ces composants dévotieux, l’abbé « codifie la légende » et rédige une « véritable page de livre des saints » visant à magnifier Chastel en pieux héros régional.
De surcroît, l’historien Guy Crouzet souligne que la tirade prêtée au chasseur (« Bête, tu n’en mangeras plus ! ») ainsi que l’anecdote des médailles de la Vierge Marie, prétendument portées par Chastel à son chapeau puis fondues pour en fabriquer des balles, ne sont que des inventions d’Henri Pourrat dans son roman Histoire fidèle de la bête en Gévaudan (1946), fiction prise au premier degré par Gérard Ménatory et Raymond Francis Dubois.
Le 25 juin, soit 8 jours après que Jean Chastel a abattu la Bête, une louve qui l’accompagnait, selon plusieurs témoignages, est tuée à La Besseyre-Saint-Mary par le sieur Jean Terrisse, chasseur de monseigneur de la Tour d’Auvergne.
En tout état de cause, les attaques avaient cessé entièrement en Gévaudan.
Les autorités du diocèse accordèrent des gratifications aux chasseurs : Jean Chastel reçut 72 livres le 9 septembre ; Jean Terrisse reçut 78 livres le 17 septembre ; enfin, une somme de 312 livres fut partagée entre les chasseurs qui avaient accompagné Chastel et Terrisse, le 3 mai 176877.
Le destin de la Bête
Consécutivement à la battue du 19 juin 1767, la bête est portée au château de Besque, vers Charraix, résidence du marquis d’Apcher.
On mande le notaire Marin, qui établit un rapport très précis sur les dimensions de l’animal.
Il est accompagné du chirurgien de Saugues, le sieur Boulanger, et de son fils, ainsi que d’Agulhon de la Mothe, médecin.
La bête est ensuite empaillée par Boulanger, et exposée au château de Besque.
Le marquis d’Apcher ne rechigne pas à la dépense pour recevoir fastueusement la foule qui s’empresse de venir voir la dépouille.
De nombreux témoignages de victimes d’attaques viennent alors s’inscrire au rapport Marin.
La bête reste donc un long moment à Besque (une douzaine de jours). Le marquis d’Apcher mande alors un domestique, le dénommé Gilbert, de l’emporter à Versailles pour la montrer au roi.
Selon une tradition orale rapportée par l’abbé Pourcher et reprise par plusieurs auteurs, Jean Chastel aurait été également du voyage pour présenter la bête à la Cour mais Louis XV l’aurait dédaigneusement chassé en raison de la puanteur dégagée par la charogne empaillée (l’apothicaire s’étant en effet juste contenté de vider les entrailles et de les remplacer par de la paille).
Or le témoignage du domestique du marquis d’Apcher, recueilli en 1809, remet en cause cette version :
« Gibert arrive enfin à Paris, va séjourner à l’hôtel de M. de la Rochefoucault à qui il remit en même temps une lettre dans laquelle M. d’Apchier priait le seigneur d’informer le roi de la délivrance heureuse du monstre […] Le roi se trouvait pour lors à Compiègne et, d’après la nouvelle qu’on lui apprenait, il donna ordre à M. de Buffon de visiter et d’examiner cet animal. Ce naturaliste, malgré le délabrement où l’avaient réduit les vers et la chute de tous les poils, suite des chaleurs de la fin de juillet et du commencement d’août, malgré encore la mauvaise odeur qu’il répandait, après un examen sérieux, jugea que ce n’était qu’un gros loup […] Il trouvait dans des chairs toutes nues une nourriture moins embarrassante et il devint, ainsi, en peu de temps, le fléau des malheureux habitants du Gévaudan. Dès que M. de Buffon eut fait l’examen de cette bête, Gibert se hâta de la faire enterrer à cause de sa grande puanteur et il dit en avoir été tellement incommodé qu’il en fut malade à garder le lit pendant plus de 15 jours à Paris. Il se ressentit de cette maladie plus de 6 ans et il attribua même à cette mauvaise odeur qu’il respira pendant si longtemps la mauvaise santé dont il a toujours joui depuis cette époque ».
Il en ressort que Jean Chastel n’a pas accompagné Gibert à Paris.
De même, le domestique n’a jamais présenté la charogne à la cour de Louis XV.
Enfin, Buffon n’a laissé aucun document à ce sujet.
Loin d’avoir été conservée dans les collections du Jardin du Roi à Paris ou ensevelie à Marly ou Versailles, la dépouille de la bête a probablement été enterrée quelque part dans l’ancien hôtel de la Rochefoucault, sis rue de Seine et démoli en 1825
Le 9 septembre 1767, le vicaire général du diocèse de Mende, M. de Rets Fraissenet, paraphe un ordre de gratification afin que Jean Chastel perçoive 78 livres payées par le receveur des tailles de la ville de Mende.
Considérée par plusieurs auteurs comme dérisoire, voire comme une marque de défiance envers Chastel en raison de l’épisode du bourbier, la somme de 78 livres ne représente pourtant qu’une faible part de la récompense accordée au paysan de La Besseyre.
Celui-ci, revendiquant la prime de 6 000 livres promise par Louis XV le 4 février 1765 sur le compte de la généralité d’Auvergne, obtient 1 500 livres, soit « l’équivalent de 150 prises de loups « ordinaires », cinq années de revenus d’un ouvrier agricole », observe l’historien Jean-Marc Moriceau.
Après la mort du vieux Chastel en mars 1789, l’un de ses fils (probablement Jean Antoine, signant simplement « Jean ») entame une procédure juridique sous la Révolution.
À l’aide de ses titres de créances, il réclame les 4 500 livres dues, somme que le directoire du district de la Haute-Loire finit par reconnaître comme dette nationale le 28 août 1792.
Selon Jean-Marc Moriceau, la crise financière empêche le fils Chastel de recouvrer aisément les 4 500 livres puisque le 25 novembre 1797, le cultivateur « en est encore à passer devant les notaires de Langeac une procuration en blanc pour faire valoir sa créance auprès du commissaire liquidateur de la dette nationale, à Paris ».
Localisation
La Bête a sévi principalement dans le pays du Gévaudan, dont les limites sont sensiblement les mêmes que celles du département de la Lozère.
Mais elle s’est rendue également dans le Velay (Haute-Loire), la Haute-Auvergne (Cantal), et le Rouergue (Aveyron).
Si l’on considère le découpage administratif des années 2000, la Bête aurait fait plus de 80 victimes dans la région Auvergne et plus de 70 dans le Languedoc-Roussillon. Au niveau des départements, c’est la Lozère qui est la plus touchée avec plus de 70 victimes, devant la Haute-Loire qui en déplore plus de 60.
Les cantons de Saugues, de Pinols et du Malzieu sont ceux où l’on recense le plus de victimes, avec respectivement 34, 23 et 22 personnes.
La Bête a été présente majoritairement dans les montagnes de la Margeride, et en certaines occasions sur les monts de l’Aubrac.
Elle sévit d’abord dans l’est du Gévaudan, vers Langogne et la forêt de Mercoire, avant de migrer vers la Margeride et la zone des Trois Monts : mont Chauvet, Montgrand et mont Mouchet.
Au xviiie siècle, l’environnement du Gévaudan était constitué de vallées et montagnes très boisées.
Il existe alors, en Margeride, de nombreuses tourbières (aussi appelées « sagnes » ou « molières »), rendant difficile tout déplacement.
Les villages étaient alors à la fois très dispersés et isolés.
En ce qui concerne le climat, il n’était pas rare que l’hiver soit très long, entre les premières neiges pouvant survenir dès septembre et le mois de mai.
Repères chronologiques
- 1715 : Fin de la guerre des Camisards – Mort de Louis XIV
- 22 février 1723 : Fin de la Régence, Louis XV atteint sa majorité
- 1723 : Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré devient évêque de Mende
- 1756 : 1763 – Guerre de Sept Ans
- avril – mai 1764 : Premières attaques d’un animal sauvage
- 30 juin 1764 : Jeanne Boulet est la première victime officielle de la Bête
- 15 septembre 1764 : Début des chasses de Duhamel
- 2 novembre 1764 : Duhamel s’installe à Saint-Chély
- 31 décembre 1764 : Mandement de l’évêque
- 12 janvier 1765 : Combat de Portefaix
- mars 1765 : Arrivée de Denneval
- 8 juin 1765 : François Antoine quitte Paris pour le Gévaudan
- 22 juin 1765 : François Antoine s’installe au Malzieu
- 18 juillet 1765 : Les Denneval quittent le Gévaudan
- 11 août 1765 : Combat de Marie-Jeanne Vallet
- 16 août 1765 : Jean, Pierre et Antoine Chastel sont emprisonnés
- 21 septembre 1765 : Le loup des Chazes est abattu par François Antoine
- 1er octobre 1765 : Antoine de Beauterne présente la Bête au roi
- 3 novembre 1765 : François Antoine quitte le Gévaudan
- 20 décembre 1765 : Mort du dauphin Louis
- 19 juin 1767 : Jean Chastel abat la Bête du Gévaudan à la Sogne d’Auvers
Statistiques
Les statistiques sont assez variables suivant les auteurs et la période de leurs écrits.
Elles doivent, de plus, être pondérées pour plusieurs raisons.
Tout d’abord rien ne prouve que toutes les victimes qualifiées d’officielles par les actes de décès sont vraiment à attribuer à la Bête.
Certaines personnes ont en effet pu faire passer un mort comme étant une victime de la Bête.
A contrario, à la suite du mandement de l’évêque mettant en avant les péchés du peuple, certains actes de sépulture ont pu ne pas signaler qu’il s’agissait là d’un meurtre perpétré par la Bête.
De la même façon, après le départ de François Antoine, les sources sont moins fréquentes.
Les sources qualifiées d’officielles font état d’un peu plus de 80 personnes tuées.
Il y aurait également eu une trentaine de personnes blessées, et une cinquantaine d’autres attaquées.
La Bête ne faisait pas de préférence entre les femmes et les hommes.
Elle s’attaquait cependant plus fréquemment aux enfants qu’aux adultes.
En effet, c’étaient ces premiers qui étaient chargés de mener les troupeaux en pâture et donc les plus exposés aux attaques.
Caractéristiques de la Bête
Les diverses interrogations à propos de la Bête du Gévaudan elle-même ont contribué à l’intérêt de son histoire.
Au plan de sa morphologie, aucun des animaux tués n’ayant été conservé, il s’agirait d’un canidé, mais d’aspect inhabituel, selon le rapport Marin.
Toutefois, de nombreux témoins, accoutumés à la présence de loups dans leur campagne, n’ont pas reconnu dans cet animal un loup et l’ont spontanément appelé bestia, « la bête » en langue d’oc.
Ensuite, de nombreux témoignages font penser à une relative invulnérabilité de cette Bête.
Le manque d’efficacité des armes a alimenté la théorie selon laquelle elle aurait pu porter une cuirasse en peau de sanglier, comme en portaient les chiens utilisés à la guerre jusqu’au début du xixe siècle.
De nombreux témoignages relatent le fait que la Bête aurait été touchée par une ou plusieurs balles de fusil, tirées par des chasseurs de bonne réputation, et pourtant elle se serait relevée à chaque fois.
Des témoignages attribuent de l’ubiquité à la Bête qui aurait été aperçue dans un très faible intervalle de temps en des lieux distants de plusieurs kilomètres.
Cependant, ces distances restent, dans bien des cas, envisageables pour un seul animal.
Deux des traits les plus singuliers de la Bête sont sa familiarité et son audace.
Au moins jusqu’au départ de François Antoine, elle semble ne pas craindre l’homme.
Lorsque la bête rencontre une résistance de la part de la victime ou de ses compagnons, elle s’éloigne de « 40 pas », s’assoit parfois sur le train arrière pendant quelques instants et, si elle n’est pas poursuivie, revient à la charge.
Puis elle s’éloigne au petit trot ou au pas.
Plusieurs fois, les victimes auraient été attaquées en plein village et une majeure partie des témoignages concernent des attaques dans la journée.
Enfin la Bête est très agressive : cette agressivité se traduit par un acharnement qui ne semble pas toujours dicté par la faim.
Elle est de plus très agile, car selon les témoignages, elle avait la capacité de sauter par-dessus des murs qu’un chien n’aurait pu franchir.
La famille Chastel
Famille paysanne originaire du village de La Besseyre-Saint-Mary, les Chastel sont restés dans l’histoire de la Bête en raison du canidé abattu par Jean Chastel en juin 1767 près de la forêt de la Ténazeyre, mais également à cause des accusations portées contre eux par des auteurs qui reprennent à leur compte des portraits romanesques datant des années 1930-1940.
Né le 31 mars 1708 et mort le 6 mars 1789, Jean Chastel est connu sous le sobriquet de « de la Masca », autrement dit « (fils) de la sorcière » en occitan.
Père de neuf enfants (cinq filles et quatre garçons), il est lettré et signe fréquemment les registres paroissiaux ; signatures par lesquelles on identifie son métier, laboureur, brassier, mais également cabaretier.
Son frère, Jean-Pierre Chastel, est un condamné à mort en cavale pour le meurtre de son neveu Joseph Pascal.
Des quatre fils de Jean Chastel (Pierre, né le 8 mars 1739 ; Claude, né le 3 juin 1742 ; Jean Antoine, né le 20 avril 1745 et mort le 30 mai 1823 ; Jean François, né le 25 juin 1749), deux noms reviennent souvent dans les écrits sur la Bête depuis les récits romancés du diplomate Abel Chevalley et du conteur Henri Pourrat : Jean Antoine (plus communément appelé « Antoine ») et Pierre, tous deux garde-chasses au moment des faits.
Chevalley et Pourrat façonnent l’histoire fictive d’Antoine Chastel, fuyant très jeune la région avant d’être fait prisonnier et émasculé par les pirates musulmans en Méditerranée.
Les écrivains imaginent également que le jeune marginal, une fois revenu au pays, dresse une Bête à tuer sous les ordres du comte de Morangiès.
Ainsi transfigurés en meneurs de loups suspectés d’avoir commis les meurtres par pur sadisme ou justice privée, les Chastel inspirent les thèses de certains éthologues, non historiens de métier et défenseurs du loup, tels Gérard Ménatory, Raymond Francis Dubois et Michel Louis.
Antoine Chastel est comme son père dans la lorgnette de ces auteurs car il était garde-chasse de la forêt de la Ténazeyre.
Sur le mont Mouchet, cette forêt était le repaire principal de la bête, c’est aussi là que son père, Jean Chastel, l’a abattue.
Toutefois, aucune preuve véritable n’accrédite de telles accusations.
Jean-François-Charles de Molette, comte de Morangiès
Jean-François-Charles, comte de Morangiès, est né le 22 février 1728 au château du Boy.
À 14 ans, il devient mousquetaire du Roi.
Pendant la guerre de Sept Ans, il devient colonel du premier bataillon du régiment d’infanterie du Languedoc et combat en Allemagne, participant à la bataille de Hastenbeck avec ses frères avant d’être fait prisonnier à Minden jusqu’au début de l’année 1761.
Bien que des historiens lui prêtent un titre de gouverneur de l’île de Minorque, aucun document historique (comme les archives des états militaires de France) ne corrobore cette information.
Après de multiples emprisonnements pour dettes et notamment un procès où il est soutenu par Voltaire, il meurt assassiné par sa seconde épouse en 1801.
Jean-Joseph de Randon, marquis d’Apchier
Jean-Joseph, est né le 3 juin 1745 au château de Besque est le fils de Joseph de Randon et Henriette de La Rochefoucauld.
En 1765 il a 20 ans quand il prend peu à peu la tête des chasses contre la Bête du Gévaudan.
C’est d’ailleurs lui qui organise la battue du 19 juin 1767, où Jean Chastel a vaincu la Bête.
Le corps ecclésiastique
Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré était depuis 1723 évêque de Mende et, de ce fait, comte de Gévaudan.
Pendant son épiscopat, ses cousins César Gabriel de Choiseul-Praslin et Étienne François de Choiseul occupaient des postes très élevés, respectivement de lieutenant général et de secrétaire d’État.
Lors d’une déclaration lue publiquement le 31 décembre 1764 et entrée dans l’Histoire comme « Mandement de l’évêque de Mende », il laisse entendre que la Bête est envoyée par Dieu aux habitants du Gévaudan pour les inciter à se repentir de leurs péchés.
En d’autres termes, le malheur qui les accable est de leur faute… Il décède à Mende, âgé de 82 ans, le 7 juillet 1767.
L’abbé Trocellier, curé d’Aumont-Aubrac, a organisé de nombreuses battues dans sa paroisse et au-delà.
Témoin oculaire de la Bête, il l’a décrite à plusieurs reprises dans sa correspondance.
Il écrit ainsi que « … la Bête se redresse sur ses deux jambes de derrière, et, dans cette position elle badine de ses deux pattes de devant, pour lors elle paraît de la hauteur d’un homme de taille médiocre ».
Cette bipédie lui suggère l’idée d’un babouin pour présenter la Bête dans une lettre adressée au syndic Lafont.
Il consigna ses impressions dans le registre paroissial, y joignant un dessin de la Bête.
Le corps administratif
Étienne Lafont était avocat au parlement de Toulouse, syndic du diocèse de Mende et, depuis 1749, subdélégué de l’intendant du Languedoc en Gévaudan.
Le Gévaudan était en effet l’un des pays d’états qui composaient la province du Languedoc.
Il est né à Marvejols le 8 mars 1719127 et décédé à Mende le 24 août 1779.
Ses frères, Jacques et surtout Trophime, l’ont aidé dans sa traque de la Bête.
Pierre de Tassy de Monluc, né à Saint-Flour en 1721 et mort en 1796, était le subdélégué de l’intendant d’Auvergne dans le diocèse de Saint-Flour.
Jean-Baptiste Marin, comte de Moncan, était maréchal des armées du Roi et gouverneur militaire du Languedoc. Il fut ensuite lieutenant-général et grand-croix de l’ordre de Saint-Louis, et nommé sénéchal et gouverneur du Rouergue le 1er mars 1767.
Il resta en fonction jusqu’à sa mort, en 1779.
Marie-Joseph de Guignard de Saint Priest était l’intendant du Languedoc à partir de 1764. Il fut préalablement conseiller à la cour des aides de Montpellier, puis, en 1757, maître des requêtes, avant de devenir intendant.
Simon Charles Sébastien Bernard de Ballainvilliers était intendant de la province d’Auvergne de 1757 à 1767.
Le 19 juin, il relate la fin de la Bête : « Jean Chastel, un enfant du pays, a tué une bête qui parut être un loup, mais un loup extraordinaire et bien différent par sa figure et ses proportions des loups que l’on voit dans ce pays. »
Le comte Louis Phélypeaux de Saint-Florentin était secrétaire d’État de la Maison du Roi. Il fut l’un des interlocuteurs privilégiés des correspondances entre les gentilshommes du Gévaudan et la cour du Roi.
Clément de l’Averdy était contrôleur général des finances et a entretenu une correspondance avec le Gévaudan.
Les chasseurs
Jean-Baptiste Louis François Boulanger Duhamel (ou Du Hamel) est né à Amiens (paroisse Saint-Martin) le 6 février 17321.
Lieutenant au régiment de Cambis à partir de 1747, il devient cornette au régiment de Royal Roussillon cavalerie de 1756 à 1758.
En 1758, Duhamel obtient le grade de capitaine en s’engageant dans le régiment de volontaires de Clermont-Prince, créé la même année par Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont.
Unité de troupes légères directement attachée à la personne de ce prince du sang, le régiment se compose de cavaliers, grenadiers et fusiliers ; ces volontaires étrangers ne doivent donc pas être confondus avec des « dragons du roi ».
Aux premières attaques de la Bête, en 1764, le capitaine commande ses troupes dans la région de Langogne.
Durant la traque de l’animal, Duhamel adresse plusieurs rapports au secrétaire de Louis de Bourbon-Condé, voire au comte de Clermont lui-même.
Jean-Charles Marc Antoine de Vaumesle d’Enneval, parfois prénommé Martin, né le 25 septembre 1702 à Vimoutiers, où il est mort le 8 novembre 1769, était grand louvetier du haras d’Exmes en Normandie de 1703 à 1769.
Il est venu en Gévaudan avec son fils Jean-François.
François Antoine, né vers 1695 (probablement à Paris) et mort à Dax le 8 septembre 1771, était sous-lieutenant de la Capitainerie Royale de Saint-Germain-en-Laye et porte-arquebuse de Louis XV.
Il était également chevalier de l’ordre de Saint-Louis.
De nombreux auteurs lui prêtent erronément le nom d’Antoine de Beauterne, or c’est celui de son fils Robert-François, chevalier de la Légion d’honneur sous le règne de Napoléon.
Les Antoine étaient assistés par le garde général Lacoste ; les garde-chasses de la capitainerie royale de Saint-Germain Pélissier, Régnault et Dumoulin ; les garde-chasses à cheval du duc d’Orléans Lacour et Rinchard et les garde-chasses du duc de Penthièvre Lecteur, Lachenay et Bonnet.
Un ou plusieurs loups
Dans une large mesure, les chercheurs — et notamment les historiens — expliquent les ravages du Gévaudan par la présence d’un ou plusieurs loups devenu(s) prédateur(s) de l’être humain.
Pour monsieur de Buffon à propos de l’animal tué par François Antoine, comme de celui de Jean Chastel, tous les animaux tués lors des chasses étaient des loups. L’éventualité d’un loup mangeur d’homme a été évoquée à l’époque, et s’est maintenue par la suite.
L’abbé François Fabre évoque une famille de loups, alors qu’à partir des années 1760 on en compte trois.
Ces trois loups, selon l’abbé Xavier Pic, auraient été celui tiré par les frères Marlet de la Chaumette, celui tué par François Antoine et le garde Rinchard, et le troisième tué par Jean Chastel.
Jacques Delperrié de Bayac arrive à la même conclusion, même s’il évoque la possibilité d’un quatrième loup.
Guy Crouzet et le chanoine Félix Buffière sont beaucoup moins précis sur leur nombre, mais concluent également à la culpabilité des loups.
Dans sa thèse soutenue en 1988 sur l’éthologie du loup, François de Beaufort, futur sous-directeur du Muséum d’histoire naturelle, affirme que « la » Bête du Gévaudan désignait « plusieurs groupes familiaux de loups fonctionnant, fréquemment ou occasionnellement, comme mangeurs d’hommes », considérant les témoignages de personnes attaquées et des témoins visuels, les rapports d’Antoine de Beauterne, et l’examen des bêtes qui ont été tuées.
Pour l’historien Jean-Marc Moriceau, la parenté de la bête du Gévaudan avec les « loups carnassiers » qui désolaient d’autres régions à la même époque est manifeste.
Il remarque notamment que des empreintes de loup ont été relevées près de certaines victimes, comme Marguerite Oustallier et Claude Biscarrat.
L’appellation de « bête » désignerait plusieurs loups, une « horde de loups mangeurs d’hommes ».
Moriceau reproduit la longue lettre d’Étienne Lafont à l’intendant de Languedoc, où le subdélégué décrit l’observation faite « plusieurs fois et de fort près » en avril 1767, tous les témoins disant que « ce n’était qu’un loup secondé vraisemblablement par d’autres ».
De son côté, le curé d’Auvers enterrant une victime le 29 avril 1767 incriminait « la bête féroce sive le loup carnassier ».
L’historien Jean-Paul Chabrol a comparé la bête du Gévaudan avec la bête des Cévennes qui a sévi entre 1809 et 1817.
Il conclut que dans les deux cas, il s’agissait de plusieurs loups anthropophages.
Un doute subsiste néanmoins pour le canidé tué par Jean Chastel, qui pourrait être un hybride du chien et du loup, mais la disparition des restes des bêtes tuées en 1765 et 1767 exclut toute analyse génétique.
Enfin, un animal exotique échappé (comme une hyène) aurait pu opérer en même temps que les loups.
Un hybride du chien et du loup
Pour Michel Louis, directeur du parc zoologique d’Amnéville, le comportement et le physique de la Bête ne correspondent pas au loup qui serait bien connu — et peu redouté — des paysans de l’époque.
L’hypothèse du loup enragé ne peut être retenue car les survivants aux attaques ne contractèrent pas cette maladie qui les aurait tués en quelques mois.
Ancien maître-chien, il soutient l’hypothèse de l’hybride du chien et du loup.
Selon lui, la description de la Bête du Gévaudan correspond, en beaucoup de points, à celle d’un chien de type berger : gueule plate et museau fin, courtes oreilles, poil roux (« fauve » ou « sable ») traversé de bandes noires, marque blanche sur le poitrail (« de l’avis de tous les chasseurs, on n’a jamais vu aux loups de pareilles couleurs » ; « Cet animal ressemblait plus au chien qu’au loup, tant à cause de son pelage que la forme de sa tête »).
Louis affirme que la Bête ne peut pas être un loup gris commun au motif que les Français vivaient, à cette époque, avec le loup au quotidien : il y avait encore des loups sur 90 % du territoire au xixe siècle.
Par conséquent, l’auteur conclut que les paysans savaient identifier le loup et que les témoins n’auraient pas pu se tromper sur la nature de cette Bête rousse à la gueule noire.
Dans les actes de sépulture, les curés notent par exemple « Tué par la Bête féroce » et non pas par « le loup ».
Louis avance les hypothèses suivantes : l’autopsie de l’animal tué par Jean Chastel (le rapport Marin) correspond à la description donnée par les témoins, mis à part la raie noire sur le dos.
Celle-ci ne serait pas caractéristique d’un loup et s’expliquerait par le port d’une protection.
La denture (42 dents) serait la même que celle du chien.
En outre, le directeur du parc zoologique d’Amnéville certifie que le loup est un animal craintif face à l’homme et que mis à part les loups enragés ou en meute, les attaques contre les êtres humains seraient historiquement rares (contrairement aux grands fauves comme le tigre).
Aucune victime de la Bête du Gévaudan n’a présenté les symptômes de la rage (à la différence de celles de la Bête de Sarlat).
Selon Michel Louis, des victimes auraient été décapitées et déshabillées, ce qui suggérerait des mises en scène macabres commises par un criminel.
Enfin, un loup est très difficile à dresser, y compris pour le cinéma.
Pour hériter des caractéristiques du loup et du chien, la bête devrait donc être le fruit d’un croisement.
Les chiens de troupeaux les plus répandus dans ces populations d’éleveurs étaient le mâtin (aujourd’hui appelé mastiff), molosse également utilisé comme chien de guerre.
Avant les races « officielles » de chiens de type bergers (le premier standard de la race du berger allemand date de 1899), il existait déjà des chiens similaires, à l’apparence « lupoïde ».
Aujourd’hui disparu, le charnaigre était présent en Provence, en Languedoc et en Roussillon.
Au XVIIIe et au XIXe siècle, des hybrides de chien et de loup étaient aussi connus en France ; réputés instables et appelés « mulets » ou « métis ».
Ce fut peut-être le cas de la Bête du Gévaudan comme en témoignent certains chasseurs de l’époque (« Il devient nécessaire de combattre ce métis [que l’on aura] plutôt par surprise avec l’arme blanche qu’avec des fusils » ; « Ce devait être un mulet provenant d’un loup avec une chienne ou d’un chien avec une louve » ).
Michel Louis pense que la Bête a les traits physiques du molosse, mais le comportement du loup : parfois méfiante, elle emporte ses victimes très discrètement, après une longue période d’observation.
D’autres fois, elle se comporte comme un chien « entraîné au mordant » et attaque à découvert.
Pour le journaliste Jean-Claude Bourret, « la bête est certainement un croisement entre un chien de combat descendant des légions romaines et un loup. »
Une sculpture en résine et polyuréthane de la Bête, d’après les mesures exactes du rapport d’autopsie de juin 1767, a été présentée à Paris en 2016.
Louis XV et son porte-arquebuse François Antoine ayant décidé que la Bête serait un loup (ou plusieurs loups), il était difficile d’aller à l’encontre de l’explication officielle à l’époque.
C’est pourquoi cette hypothèse est restée très ancrée dans les esprits.
Animal exotique, cryptide et autres conjectures
Une des premières théories, avancée au moment même des événements, voit dans la Bête un animal exotique.
Le 31 décembre 1764, un mandement de l’évêque de Mende évoque « une bête féroce, inconnue dans nos climats. »
Dans une lettre, le capitaine Duhamel, capitaine aide-major du régiment de Clermont-Prince, décrit la Bête comme un animal monstrueux, progéniture d’un lion.
Cette théorie féline a été reprise par le biologiste allemand Karl-Hans Taake.
L’animal exotique le plus souvent cité est alors la hyène.
Un tel carnivore aurait pu s’évader de la foire de Beaucaire, avancent certains auteurs.
Guy Crouzet l’évoque avec prudence en sus des exactions des loups, conjecturant que la présence accidentelle d’une hyène égarée n’est pas nécessairement impossible eu égard aux achats royaux et princiers d’animaux exotiques.
De son côté, afin de réhabiliter le loup, Gérard Ménatory se fonde sur les fictions d’Abel Chevalley et Henri Pourrat pour émettre l’hypothèse d’une hyène ramenée d’Afrique par Antoine Chastel.
Le fondateur du parc à loups du Gévaudan associe ainsi l’animal exotique à l’intervention humaine.
Pour corroborer l’hypothèse du carnivore africain, est parfois utilisé un petit fascicule paru en 1819, et vendu au Jardin des plantes.
Ce fascicule évoque un animal autrefois exposé, une hyène barrée d’Orient : « Ce féroce et indomptable animal est rangé dans la classe du loup cervier ; il habite l’Égypte, il parcourt les tombeaux pour en arracher les cadavres ; le jour, il attaque les hommes, les femmes et les enfants, et les dévore. Il porte une crinière sur son dos, barrée comme le tigre royal ; celle-ci est de la même espèce que celle que l’on voit au cabinet d’Histoire Naturelle, et qui a dévoré, dans le Gévaudan, une grande quantité de personnes ».
Mais bien d’autres animaux ont été cités comme étant la Bête, comme le glouton(ou carcajou) ou bien le tigron.
Sont suggérés également : un grand singe de la famille des cynocéphalesn (comme le babouin) ou même un ours.
L’auteur Marc Saint Val évoque, dans son essai La Malebête du Gévaudan, un ou plusieurs Thylacine, carnivore marsupial australien importé en France depuis l’Océanie.
En se fondant sur certaines descriptions, des adeptes de la cryptozoologie se sont demandé s’il ne s’agissait pas d’un des derniers survivants des mesonychia, sortes de « loups à sabots » disparus vers la fin de l’éocène, il y a 28 millions d’années.
En 2017, l’écrivain Pierric Guittaut formule l’hypothèse d’un « loup servier » issu d’une hybridation avec Canis dirus, un canidé préhistorique dont les particularités physiques correspondraient aux descriptions de la Bête.
Un « fou sadique » ?
En 1911, le docteur Puech, gynécologue de l’école de médecine de Montpellier, rédige un mémoire où il accuse des sadiques d’être à l’origine des attaques de la Bête du Gévaudan.
Selon lui, la présence de mystificateurs recouverts de peaux de loup aurait entretenu la responsabilité d’une bête qui « n’a jamais existé. »
Puech devient ainsi le premier auteur contemporain à soutenir la théorie de l’implication humaine dans l’affaire de la Bête du Gévaudan, en évoquant des tueurs supposément reconnaissables dans les décapitations ainsi que dans des mises en scène macabres consistant en des corps retrouvés nus et leurs habits « semés » le long de chemins, ou même « rhabillés ».
En 1962, Marguerite Aribaud-Farrère publie une plaquette, La Bête du Gévaudan enfin démasquée, dans laquelle elle accuse un sadique d’avoir commis les meurtres en se faisant passer pour un loup-garou.
Elle affirme que le criminel, qu’on appelait « Messire », aurait été originaire « d’une vieille famille puissante du midi de la France. »
À l’époque, un de ses descendants « touchait de très peu au pouvoir ».
En 1972, Alain Decaux reprend cette théorie pour une émission télévisée et un article paru dans la revue Historia.
Durant la seconde moitié du xxe siècle, des écologistes tentent de réhabiliter le loup en recherchant à leur tour une main humaine derrière les violences de l’animal carnassier.
Le critique littéraire et essayiste Michel Meurger observe que ces « partisans d’une nature sauvage idéalisée » nourrissent leurs « spéculations » de certains récits oraux rapportés par « l’abbé fondamentaliste » Pierre Pourcher.
Dans l’ouvrage qu’il consacre en 1889 au « fléau divin » du Gévaudan, l’abbé transcrit une légende tardive évoquant la rencontre de deux habitantes de Saugues avec un « homme extrêmement bourru » dont l’estomac se couvre de longs poils.
Pourcher entremêle ainsi l’histoire de la Bête et le vieux fond de croyances relatives aux loups-garous, enchevêtrement de faits et de légendes réinterprété ultérieurement par les « lycophiles » comme autant de signes révélant la présence d’un ou plusieurs assassins.
Une association entre l’homme et l’animal ?
En 1936, le roman La Bête du Gévaudan d’Abel Chevalley fait mine de publier les mémoires du paysan Jacques Denis, personnage fictif qui évoque ses souvenirs des événements de 1764-1767.
Le soi-disant mémorialiste laisse planer de lourds sous-entendus sur la culpabilité de Jean-François-Charles, comte de Morangiès : « J’aurai à revenir sur cet affreux personnage depuis lors tristement célèbre. Mais nous ignorions alors qu’il fût aux abois et déjà vautré dans la crapule de Paris… après les sordides affaires qui l’auraient dû conduire en prison pour le reste de ses jours… »
Chevalley met également en scène la courageuse sœur de Jacques Denis, qui entretient des soupçons au sujet d’Antoine Chastel, présenté ici pour la première fois comme un sinistre marginal à demi-sauvage, castré par les barbaresques puis revenu au pays afin d’y dresser des molosses.
Le conteur Henri Pourrat utilise le même procédé en 1946.
En 1976, le journaliste Gérard Ménatory, défenseur de la cause animale et fondateur du parc à loups du Gévaudan, reprend ces fictions à son compte afin d’innocenter le loup.
Partant, il attribue les attaques mortelles de la bête à un animal exotique apprivoisé par un criminel, « redoutable association » entre une hyène importée d’Afrique du Nord et l’« eunuque » Antoine Chastel.
Lorsque cette version est réfutée par les recherches historiques de Guy Crouzet sur la famille Chastel, Ménatory refuse de blâmer un animal sauvage et incrimine plutôt un « fléau de Dieu, animal dépendant d’un homme »199.
Alain Decaux et Jean-Jacques Barloy conjecturent qu’un meurtrier aurait opéré sous le couvert d’une haute protection.
En 1988, Raymond-Francis Dubois, membre d’une association de défense des loups, émet l’hypothèse d’un chien de guerre recouvert d’un gilet (ou cuirasse) comme il en existait au xvie siècle, en peau de sanglier le protégeant des balles et des couteaux.
La raie noire constatée sur le dos de la Bête ne concorde pas avec le pelage du loup, et est, par contre, caractéristique du sanglier.
Il relève également que cette particularité n’a pas été constatée sur le cadavre des différents fauves tués.
Selon lui, c’est le fils Chastel qui aurait élevé et conduit cet animal suivant les ordres d’un noble du Gévaudan prénommé Charles.
Selon Gérard Ménatory, des cas d’égorgement d’humain par des animaux existent (très souvent de grands fauves) mais il assure qu’aucune décapitation n’a été relevée et qu’une telle mutilation serait très improbable de la part d’un loup dont la mâchoire n’aurait pas la puissance nécessaire. « Auteur partisan de Gérard Ménatory », Michel Louis renchérit en affirmant que la décapitation n’est pas un comportement animal car d’un point de vue alimentaire, une tête humaine ne serait pas une partie intéressante, un carnivore préférant les parties plus charnues comme les cuisses ou les viscères.
Conséquemment, Louis soutient qu’il faut discerner la main d’un « sadique » pour expliquer ces « décapitations ».
En s’appuyant sur des cas de zoanthropie, Pierre Cubizolles affirme que des membres de la famille Chastel étaient des sadiques déguisés en bêtes.
Par ailleurs, André Aubazac accuse l’homme en évoquant plusieurs coupables : des soldats cannibales traumatisés par la guerre de Sept Ans, des vagabonds attirés par la construction de la route allant à Montpezat-sous-Bauzon, et enfin la famille Chastel lancée dans un règlement de comptes familial.
Deux ans avant l’apparition de la Bête en Gévaudan, la famille Rodier est accusée d’avoir utilisé des loups apprivoisés pour détrousser les voyageurs.
Les parents sont condamnés à être pendus, tandis que les deux fils (19 et 15 ans) et un complice, Paul Serre du Vivarais, sont envoyés aux galères.
Une lettre, adressée à l’intendant d’Auvergne en juillet 1766, note à propos de l’animal : « On le cherchait dans les bois, et il fallait le trouver dans les maisons. Pour mieux m’expliquer, je crois que ce sont des sorciers qui fourmillent dans le monde ».
Ce document suggère, sans trop se prononcer, que la Bête entretient une relation avec l’homme.
« Maison » pouvant signifiant à l’époque la demeure d’un seigneur.
Plusieurs autres correspondances évoquent la peur des paysans d’un « sorcier déguisé ».
Dans son ouvrage paru en 1992, Michel Louis désigne le comte de Morangiès comme l’instigateur des attaques de la Bête du Gévaudan, le fils Chastel lui servant de complice.
Louis évoque un militaire déchu, calculateur et dénoué de scrupules : « À travers la bête, le comte pouvait assouvir à la fois une vengeance et une soif de puissance frustrée. La confusion dramatique engendrée par sa terrible création dut lui procurer un sentiment de puissance fantastique. La revanche d’un sadique mégalomane ». Pour Louis, la raie noire aperçue sur le dos de la Bête ne concorde pas avec le pelage du loup ; par contre, elle serait caractéristique d’une cuirasse en cuir de sanglier pour chien de guerre.
Il relève également que cette particularité n’a pas été constatée sur le cadavre des différents animaux tués.
Conformément au « leitmotiv » de son ami Gérard Ménatory selon lequel « les loups n’attaquent pas l’homme », Louis nie l’entière fiabilité des registres paroissiaux en contestant les recherches de Guy Crouzet dans ces fonds d’archives.
Cette théorie sera reprise par plusieurs auteurs, comme Léobazel qui évoque le comte de Morangiès comme « un officier des plus médiocres, personnage taré et prodigue, honte de la noblesse locale, désespoir de son père, bourreau de ses frères et sœurs ».
D’autres essayistes prêtent à Morangiès un titre de gouverneur de l’île de Minorque où il aurait rencontré Antoine Chastel, prisonnier des pirates musulmans, mais cette information est invalidée par les archives des États Militaires de France.
Le comte se trouvait en Allemagne pendant la guerre de Sept Ans, puis est rentré en Gévaudan pour soigner une tuberculose.
Bien que le comte de Morangiès ait effectivement mené une vie dissolue en dilapidant la fortune familiale, en étant assigné en justice par des créanciers et se fâchant avec ses frères après une succession avant terme, les accusations qui l’impliquent dans l’affaire de la Bête relèvent uniquement de spéculations suscitées par le roman d’Abel Chevalley publié en 1936.
Ainsi, Roger Oulion accuse à son tour Jean Chastel et ses fils d’avoir été les « maîtres » d’une portée de plusieurs hybrides chiens-loups dressés à tuer.
Selon cet auteur, Chastel, pris de remords après la mort de la jeune Marie Denty sous les crocs d’un de ses animaux, se serait confessé au curé de La Besseyre-Saint-Mary, l’abbé Fournier.
Ce dernier aurait convaincu Chastel d’arrêter ses agissements coupables et, avec l’appui du marquis d’Apcher, organisé en catastrophe une battue à l’issue de laquelle Chastel aurait abattu une de ses bêtes pour donner le change.
Une autre théorie du complot évoque les Grands jours d’Auvergne et du Languedoc, procès établis par Louis XIV pour condamner les abus commis par la noblesse sur les paysans (de 1664 à 1667, soit exactement un siècle avant la Bête).
Les coupables étaient exécutés à la roue ou décapités, et beaucoup ont vu leurs biens confisqués ou rasés.
Ce fut le cas de la famille Lamotte-Beaufort-Canillac, illustre baronnie d’Auvergne qui fut la plus touchée par les poursuites avec cinq membres condamnés à mort.
La famille Morangiès, liée aux Canillac, rachète leurs terres en 1740 après que le dernier s’est éteint sans descendance.
La famille du marquis d’Apcher a également eu au moins un ancêtre qui a été condamné pour meurtres : le comte Christophe d’Apcher.
Les partisans de la théorie, comme Roger Oulion, pensent que certains nobles se sont servis d’un ou de plusieurs animaux dressés pour venger leurs ancêtres.
En 2016, Marc Saint-Val signe un ouvrage romancé intitulé Dans la peau de la Bête ! dans lequel il aborde les aspects pratiques liés à la logistique et l’introduction d’animaux exotiques hors de leur habitat naturel, ainsi que leur dressage dans le but de les lancer à l’attaque d’humains.
Un assassin déguisé en « bête » en 1777
En juillet 1777, dix ans après l’affaire de la Bête du Gévaudan, une femme est assassinée par un homme se faisant passer pour un animal.
Marianne Thomas, dite « Berniquette », servante du chirurgien de Saugues, est retrouvée grièvement blessée dans la cuisine de son domicile au Cros, « assaillie et battue par la Bête », « persuadée que c’était une bête qui lui avait fait le mal ».
Elle ne survit pas à ses profondes blessures et meurt deux ou trois jours plus tard, dans la nuit du 23 au 24 juillet 1777.
Le curé de Saugues et le chirurgien, constatant que le crime ne pouvait être imputé à un animal, alertent la justice :
« Il résulte que cette fille a été assassinée, heure de nuit, dans cette même maison où elle couchait seule ; la position où elle fut trouvée, son état de pâmoison, les meurtrissures qui ont paru sur son corps et principalement ce qui résulte du rapport du médecin et du chirurgien qui ont procédé à l’ouverture du cadavre, constatent assez la nature du délit qui paraît avoir été commis avec force et violence [effraction], puisqu’il a été remarqué qu’il y avait des égratignures fraîchement faites sur les pierres extérieures du montant de la porte de la maison et sur l’accoudoir d’une fenêtre, et que la porte volet fut ouverte lorsque l’on fut au secours de cette fille ».
Pour ce « crime capital qui mérite toute la punition des lois », le procureur fiscal ordonne une enquête, qui ne commence que le 19 août 1778.
Treize témoins sont appelés à témoigner dans une salle du château des Salettes relevant de la justice de Thoras, canton de Saugues.
Un dénommé Jean Chausse, dit Lanterolle, est soupçonné d’avoir assassiné, et probablement violé, Marianne Thomas en s’étant recouvert d’un peau de bête à laine et de gants pour « aller faire le loup »
(le rapport d’autopsie de la victime évoque du sang « suintant par le rectum »).
L’homme, cultivateur au Cros, est finalement inculpé de meurtre et emprisonné à Thoras, puis à Saugues en attendant son jugement au siège présidial de Riom, où il est conduit le 19 septembre 1778.
À l’encontre d’auteurs s’appuyant sur ce fait divers pour accréditer la thèse d’un sadique dissimulé derrière la bête du Gévaudan en 1764-1767, Guy Crouzet et Serge Colin soulignent que le criminel du Cros, « grossièrement affublé d’une peau de mouton », est finalement identifié et appréhendé, sans aucune commune mesure avec la « capacité de s’évanouir dans la nature qui caractérisait la vraie bête ».
Sites touristiques
En Lozère, plus particulièrement en Margeride, de nombreux sites touristiques entretiennent la légende de la Bête avec des musées, des statues et des sentiers pédagogiques.
La Bête est représentée seule à Saint-Privat-d’Allier, à Saugues (sculpture sur bois) et une à Marvejols sculptée par Emmanuel Auricoste (même si la Bête n’est jamais venue jusqu’au territoire de cette commune).
Au Malzieu-Ville, deux sculptures existent : une première représentant la lutte d’une villageoise contre la Bête a été inaugurée en 2010 et une seconde inaugurée en août 2012 par le « comte de Paris » qui reprend la théorie du meneur de loups.
Les protagonistes sont aussi mis à l’honneur, ainsi le combat de Marie Jeanne Vallet contre la Bête a été sculpté par Philippe Kaeppelin et installée dans le village d’Auvers.
Elle a été inaugurée en 1995, suscitant même une polémique à propos de l’usage touristique d’une Bête ayant commis de tels crimes.
Le vainqueur officiel de la Bête, Jean Chastel, est célébré dans son village de La Besseyre-Saint-Mary où une stèle à sa mémoire a été érigée.
Saugues présente le « Musée fantastique de la Bête du Gévaudan ».
Il est constitué de vingt-deux dioramas de grande taille, avec des personnages en plâtre et des effets sonores.
Il fête ses dix ans d’existence en juillet 2009238.
À cela s’ajoute le musée du Parc à loups du Gévaudan, qui possède quelques documents relatifs à la légende.
De plus, de nombreuses entreprises, ou autres clubs sportifs, de Lozère et de Haute-Loire, ont choisi la Bête du Gévaudan comme emblème.
Théâtre
La Bête du Gévaudan est un mélodrame en trois actes joué pour la première fois à Paris en juillet 1809.
La pièce s’éloigne de l’histoire officielle.
Une pièce en trois actes de Jacques Audiberti est sortie en 1936 sous le nom de La Bête noire.
Elle est présentée en 1948 à la Huchette à Paris, et a été renommée en La Fête noire.
Les noms historiques n’ont pas été conservés. La pièce présente une lutte entre paysans et aristocrates locaux.
En 2008, une nouvelle pièce est montée sous le nom de La Bête est là…, avec Geneviève et Robert Sicard et une mise en scène de Patricia Capdeveille.
Il s’agit d’une adaptation du livre de Laurent Fournier intitulé Petite histoire des grands ravages d’une méchante bête.
Littérature
La bête du Gévaudan et le nouveau monstre est un texte de 32 pages publié en 1839.
L’écrivain écossais Robert Louis Stevenson traverse le Gévaudan en 1878, périple qu’il raconte dans son récit Voyage avec un âne dans les Cévennes.
Il écrit ainsi à propos de la Bête : « C’était, en effet, le pays de la toujours mémorable Bête, le Napoléon Bonaparte des loups. Quelle destinée que la sienne ! Elle vécut dix mois à quartier libre dans le Gévaudan et le Vivarais, dévorant femmes et enfants et « bergerettes célèbres pour leur beauté » […] si tous les loups avaient pu ressembler à ce loup-ci, ils eussent changé l’histoire de l’humanité ».
En 1858, l’écrivain Élie Berthet rédige le roman La Bête du Gévaudan, publié initialement sous forme de feuilleton dans le Journal pour tous du 2 janvier au 6 mars 1858 avant de paraître en format relié aux éditions L. de Potter en 1858
L’abbé François Fabre juge « fort bien fait » ce roman-feuilleton « agrément[é] […] d’épisodes imaginés.
L’intrigue est mouvementée, les personnages vivants et bien campés […] surtout le Lycanthrope, cet horrifiant Jeannot-Grandes-Dents, retourné à l’état sauvage et devenu le compagnon inséparable du loup. »
Élie Berthet brosse le portrait d’un colosse dément, à la figure et aux manières bestiales, qui s’en va terroriser le pays dès qu’il sort de sa tanière.
Selon Félix Buffière et l’essayiste Michel Meurger, ce « Jeannot-Grandes-Dents » fictionnel constitue vraisemblablement une source d’inspiration pour l’auteur Abel Chevalley lorsque ce dernier imagine Antoine Chastel en « sauvage à mi-chemin de l’homme et de la bête »
Angliciste, professeur agrégé et diplomate, Abel Chevalley (4 juillet 1868 – décembre 1933) rédige La Bête du Gévaudan, un roman paru à titre posthume en 1936.
L’œuvre littéraire se présente sous forme de mémoires couchés sur le papier au xixe siècle par Jacques Denis, témoin oculaire fictif des ravages de la Bête.
Brouillant les frontières entre imaginaire, tradition orale et réalité, ce roman exerce une influence considérable sur la littérature consacrée à l’affaire.
Les vagues accusations portées contre Antoine Chastel et le comte de Morangiès sont ainsi prises au sérieux par plusieurs lecteurs et auteurs.
Dans un compte rendu publié en 1937, la Revue des études historiques se figure que Chevalley a réellement édité le « manuscrit » d’un « contemporain des événements ».
Des romanciers se sont également inspirés de l’histoire de la Bête comme La Bête du Gévaudan de José Féron Romano ; Gévaudan de Philippe Mignavaln ; Le Chien de Dieu de Patrick Bard ; Le carnaval des loups de Jean-Paul Malaval ou encore le deuxième tome de la série Alpha & Omega de Patricia Briggs.
En 2014, dans son roman La Bête, Catherine Hermary-Vieille présente le fils de Jean Chastel comme un esclave échappé des geôles du dey d’Alger avec une hyène.
La même année, Gérard Roche, sénateur de la Haute-Loire, signe un roman de 500 pages intitulé Gévaudan, le roman de la bête aux éditions De Borée : « Je me suis mis à la place des gens de l’époque pour décrire la vie d’un village d’autrefois ».
Bande dessinée
La Bête est devenue, à partir des années 1970, le personnage central de plusieurs bandes dessinées.
Ces premières apparitions sous ce format sont même antérieures, puisque le magazine Héroic dans son numéro 23, du 1er juin 1955, a raconté le « récit véridique de la Bête du Gévaudan ».
Entre 1970 et 1990, la Bête apparaît dans les dessins de Comès, de Claude Auclair ou encore du duo Pierre Christin/Enki Bilal.
Certains auteurs de bandes dessinées, comme Didier Convard, tentent de s’éloigner légèrement de l’histoire dite officielle, en ne citant aucun nom notamment.
Dans les années 2000, le duo Adrien Pouchalsac et Jan Turek sortent une trilogie, La Bestia, qui se veut la plus proche possible de l’histoire.
Il en est de même pour La Bête du Gévaudan de Jean-Louis Pesch, ou encore Le Secret de Portefaix, l’enfant du Gévaudan de Cyrille Le Faou et Roger Lagrave.
Il existe aussi une BD de l’italien James Fantauzzi qui raconte les dernières heures de vie de la « Bestia » : Chastel, le vainqueur du Gévaudan.
En 2010, le journaliste Jean-Claude Bourret publie deux bandes dessinées pédagogiques aux Éditions du Signe en assurant avoir percé le mystère.
Il affirme que la Bête est un hybride, croisement naturel entre un chien et une louve, et qu’elle provient de la province du Dauphiné où des attaques auraient été signalées en 1763.
En avril 2015, le scénariste de bande dessinée Aurélien Ducoudray et le dessinateur Pierre-Yves Berhin publient La Malbête aux éditions Grand Angle.
L’histoire retrace l’arrivée de « monsieur Antoine » en Gévaudan, aidé d’un jeune palefrenier, Barthélemy.
Cinéma et télévision
Plusieurs œuvres cinématographiques et télévisuelles ont pris pour trame de fond l’histoire de la Bête du Gévaudan.
La Bête du Gévaudan (1967) : Évocation dramatique réalisée par Yves-André Hubert, diffusée le 3 octobre 1967 sur l’ORTF. Premier épisode de la série Le Tribunal de l’impossible, qui en comptera quinze.
Le Pacte des loups (2001) : Film français sorti de 2001 réalisé par Christophe Gans, d’après un scénario de Stéphane Cabel et Christophe Gans.
La Bête du Gévaudan (2003) : Téléfilm français réalisé en 2003 par Patrick Volson, d’après un scénario de Daniel Vigne et Brigitte Peskine
Autres œuvres audiovisuelles
Le film américain Wolfman (2010) se déroule dans l’Angleterre de l’époque victorienne.
Dans Le Grand Veneur, épisode 2 de la troisième saison de Nicolas Le Floch (série télévisée basée sur les romans de Jean-François Parot), le commissaire au Châtelet enquête sur une série d’attaques par un étrange animal en Aquitaine.
La série américaine Teen Wolf suit Scott McCall, un lycéen ayant le pouvoir de se transformer en loup-garou.
Documentaires TV
1970 : La Bête du Gévaudan avec Jacques Delperrié de Bayac, documentaire de la TSR.
1972 : La Bête du Gévaudan, dans l’émission Alain Decaux raconte, sur l’ORTF.
1977 : La bête du Gévaudan dans l’émission Il était une fois, sur Télévision Française 1.
1988 : Le Gévaudan, entre hyène et loups, avec une interview de Gérard Ménatory, Midi Magazine, France 3.
2002 : La Bête du Gévaudan, autopsie d’un mythe, de David Teyssandier, France 3.
2005 : The Beast of Gevaudan, dans l’émission Animal X (saison 3, épisode 2), Discovery Channel (Australie).
2008 : Quel est le mystère de la bête du Gévaudan ?, dans la série Secrets d’histoire animée par Stéphane Bern.
2011 : 1764, un an à tuer, réalisé par Jean Soulet, produit par l’association Clapvidéo.
2014 : Au cœur de la Lozère, dans l’émission Échappées belles, France 5.
2015 : Bienvenue au Pays de Saugues, dans l’émission La voie est libre sur France 3 Auvergne.
Émissions de radio
1973 : La Bête du Gévaudan, La Tribune de l’Histoire, évocation scénarisée.
1984 : La Bête du Gévaudan, La Tribune de l’Histoire, évocation scénarisée avec Alain Decaux et André Castelot.
2008 : La bête du Gévaudan, dans l’émission de France Inter, 2000 ans d’Histoire, animée par Patrice Gélinet.
2010 : La bête du Gévaudan dans l’émission Les Clés du Mystère sur Sud Radio, avec Yves Lignon.
2011 : La bête du Gévaudan, dans l’émission d’Europe 1, Au cœur de l’Histoire, animée par Franck Ferrand.
2014 : La bête du Gévaudan : entre mythe et réalité sur RTL, L’Heure du crime, animée par Jacques Pradel.
2015 : Loup y es-tu ? ou la Bête du Gévaudan sur France Culture.
2017 : La véritable histoire de la bête du Gévaudan sur RTL, L’Heure du crime, animée par Jacques Pradel.
2018 : Légendes d’été sur Europe 1, avec Jean-Claude Bourret, Michel Louis et Catherine Hermary-Vieille
2018 : La bête du Gévaudan, L’innocence des loups sur Fréquence Mistral. Podcast
Jeux et musique
L’histoire de la Bête du Gévaudan a également servi de trame pour un jeu vidéo sorti en 1985.
Ce jeu vidéo a été développé et édité par CIL (Compagnie informatique ludique).
Se présentant sous la forme d’un jeu d’aventure textuelle, il est sorti sur les micro-ordinateurs Apple II.
L’histoire reprend l’hypothèse selon laquelle la Bête était un loup-garou.
Le joueur incarne cette Bête et doit trouver un moyen de soigner son mal.
Un jeu de société sur la Bête du Gévaudan est sorti en 1990, distribué par Riviera Quest.
Il s’agit d’un jeu de plateau où le but est d’enquêter sur la Bête, en évitant de se faire dévorer par cette dernière.
La Bête du Gévaudan est aussi un personnage qu’on peut choisir dans le jeu Atmosfear, mais elle s’appelle « Gévaudan le lycanthrope ».
Au début des années 1980, le groupe de musique Los del Sauveterre met en scène une version théâtrale et musicale basée sur l’histoire de la Bête.
Le rappeur français MC Solaar fait un clin d’œil au Gévaudan dans la chanson Cash money, sur l’album Mach 6.
Dans cette chanson qui évoque une femme superficielle et matérialiste, il lui dit en ces propos que : « Si t’aimes la F1, et ben on dormira dedans ; T’auras le collier en argent de la bête du Gévaudan ».
En 2013, un trio de musiciens (Gaël Hemery, Emmanuelle Aymès, Pascal Jaussaud), issu de la maison de production Ventadis, publie un disque intitulé La bestia que manjava lo monde.
Un autre disque sort la même année, œuvre collective en français et occitan, intitulé La bête du Gévaudan en 13 chansons et poèmes.
En 2014, le groupe L’Épaisseur du Trait a sorti une chanson accompagnée d’un clip sur la Bête du Gévaudan.
wikipedia
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